Sofia Tsourlaki

Doctorante en islamologie

« Différencier la religion de la culture et honorer les deux :
une nouvelle manière d’être musulman »

Table ronde 2 – Les musulmans entre foi, culture d’origine et acculturation
Mercredi 16 février 2022, 17h30

À la fin du XXe siècle, les musulmans d’Europe occidentale ont été confrontés au dilemme d’harmoniser leur identité religieuse, la culture de leur pays d’origine et leur identité en tant que citoyens européens. La coexistence avec des musulmans d’autres cultures a montré que la compréhension de l’islam par leur famille n’était pas la seule expression de cette religion très diversifiée. Certains imams de mosquées, qui qualifiaient « l’Occident » de « terre de guerre », leur étaient étrangers et l’émergence des médias sociaux leur offrait une occasion unique de réconciliation entre les trois éléments. En faisant la différence entre les principes réels de l’islam et les diverses influences culturelles sur la religion, les musulmans d’Europe occidentale ont aidé les musulmans à assumer la responsabilité de leur religiosité et à façonner leur identité de manière indépendante.

Les médias sociaux, au-delà d’être une plate-forme d’expression libre, sont également devenus une fenêtre sur le monde, et bientôt les musulmans du monde entier ont ressenti le besoin de s’affirmer comme musulmans européens/américains ; une évolution qui aurait été inconcevable par leurs parents. Les musulmans du monde entier se connectent, coexistent et apprennent les uns des autres, via les réseaux sociaux, et les utilisent souvent comme une forme de résistance. Ce fut le cas, par exemple, lorsqu’en septembre 2021, une campagne lancée par des femmes afghanes était destinée à partager des photos dans des vêtements afghans colorés traditionnels pour montrer la riche culture afghane et s’opposer aux efforts des talibans d’imposer un code vestimentaire aux femmes qui n’a rien à voir avec la culture du pays.

Ma communication visera à montrer que les musulmans d’aujourd’hui ont une compréhension très claire de la différence entre culture et religion. L’arabisation de l’islam est activement combattue et compte tenu de l’absence réelle de clergé en islam, cette vague de jeunes musulmans contribue à réinventer la religion collectivement et dans la pratique, plutôt que sur la théorie. D’une certaine manière, les jeunes musulmans s’opposent à l’autorité, qu’elle provienne des conceptions archaïques et traditionalistes de l’islam, ou des pouvoirs politiques.

Sofia Tsourlaki est actuellement maître de conférences à la Foundation for International Education (FiE) à Londres, où elle enseigne « Comprendre les civilisations : l’islam et l’Occident ».

Elle est également doctorante à la SOAS University of London.
Le sujet de sa recherche porte sur « L’Islam progressiste et les médias sociaux ».