Le mot du président
« Mais que va-t-on devenir ? »
Dans notre monde moderne, nous espérons que l’avenir nous apporte le meilleur, le cours de l’histoire et l’idée de progrès étant pris peut-être comme une version sécularisée du salut. « Si tu ne sais plus où tu vas, souviens-toi d’où tu viens ». En philosophie on disait jadis qu’il y avait trois questions essentielles pour tout homme : 1) d’où il vient, 2) où il va, et 3) ce qu’il fait sur terre. Ce proverbe nous conseille donc, en des temps d’incertitude sur mon avenir, de me souvenir de mon passé, de mon origine, pour ma vie et pour le monde.
L’Orient, comme l’Afrique, ont une notion particulière du futur. Le temps ne passe pas vraiment : plutôt qu’un temps éché, leur anthropologie est plus celle d’un temps circulaire. S’arrêter et regarder en arrière permet alors de savoir où l’on est, mais pas vraiment où l’on va… « Si je devais revivre ma vie, je ne changerais pas, mais j’ouvrirais plus grand les yeux ». La fameuse expression « Memento mori » (rappelle-toi que tu es mortel), signifie en fait n’oublie pas de vivre ! Et ce, même pour le croyant, dont la foi l’abrite au sein de la volonté divine, avec la certitude que « tout cela » a un sens.
Le temps, comme la question de la mort, est l’une des grandes interrogations portées par les religions. Le penseur et philosophe Souleymane Bachir Diagne, l’un des meilleurs spécialistes de Mohamed Iqbal nous dit dans ses mémoires Le fagot de la mémoire1 que le cœur de la philosophie d’Iqbal se trouve dans ce commentaire : « Ne dénigrez pas le temps car le temps est Dieu ». Et S. B. Diagne nous en donne son interprétation : « Les temps qui changent ne sont donc pas l’ennemi de la religion, mais la condition de l’approfondissement continu de son message et de la réalisation de sa promesse ». Ayons confiance dans le futur, n’ayons pas peur, comme nous le recommandait le Pape Jean-Paul II en 1978 lors de l’intronisation de son pontificat.
Ce numéro comporte des textes de présentation de la deuxième Conférence de notre association tenue à l’UNESCO à Paris en février dernier. De manière un peu amusante, on pourrait les voir regroupés autour de cette notion de temps, avec un passé explorant les concepts historiques d’« ordonner le convenable et dénoncer le blâmable », un présent sur la lutte contre la misogynie dans la jurisprudence islamique et un futur avec un beau texte soulignant l’importance de la transmission en matière de théologie musulmane universitaire.
Pour notre avenir immédiat, nous avons le projet pour les futures éditions de notre revue de vous présenter des numéros centrés sur un même thème, afin de tenter d’enrichir encore la réflexion et nos échanges. D’ici là, et en vous remerciant de votre confiance, à très vite pour notre numéro 9…
Sadek Beloucif
Président de l’Association « L’Islam au XXIème siècle »
1 – Souleymane Bachir Diagne, Le fagot de la mémoire, Paris, Stock/Philosophie magazine Éditeur, 2021.
REVUE N°8 – Octobre-Décembre 2022
Contribution : Eva Janadin, Francis Messner, Razika Adnani, Rita Faraj.
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