Trois questions à Sadek Beloucif, professeur de médecine
Président de l’association “L’Islam au XXIème siècle”
Qui êtes vous ?
Je suis professeur de médecine et j’ai toujours été intéressé par les questions éthiques de la société. Jʼai ainsi eu la chance de pouvoir contribuer au débat national sur les interrogations portant sur la fin de vie, la recherche sur lʼembryon ou les greffes dʼorganes, qui impliquent de fait une dimension spirituelle. Pour moi, le devoir des humains est de tenter de comprendre et de mettre en commun ce que lʼon a compris des grandes questions du monde.
Pourquoi cet engagement ?
En tant que musulman et en partant du constat dʼun déficit de connaissance sur lʼislam-religion et lʼIslam-civilisation, jʼai accepté de prendre la présidence de lʼassociation : « L’Islam au XXIème siècle » et de constituer un forum de discussion combinant les aspects cultuels et culturels, avec dʼemblée une vocation internationale. Lʼattention au “Pourquoi” des choses, au-delà des aspects techniques du “Comment” me semble essentielle, surtout pour un sujet comme lʼIslam, avec ses complexités et ses dynamiques. Sans a priori ni préjugés, mais sans se censurer, il sʼagit de contribuer à rapprocher les hommes et les femmes de ce monde dans un dialogue fructueux et bénéfique pour tous. La complexité croissante du monde, la faillite des grandes idéologies et lʼévanouissement de clivages que lʼon croyait fondateurs et éternels questionne, inquiète, et risque de conduire à un état de violence absurde dont on ne voit pas la fin. À lʼheure où la crainte de lʼautre et la tentation de lʼentre-soi pousse à la recherche chimérique de regroupements tribaux avec des “semblables” qui ne le seront jamais, la connaissance de lʼautre, même sʼil me semble étranger, procède à la fois de lʼimpératif catégorique moral et de mon intérêt bien conduit.
À quoi jugerez-vous le bien fondé de votre association ?
La foi dʼune personne est un domaine privé, et même « intime ». Je pense que nous aurons réussi si notre association peut devenir, en toute humilité, un des lieux de réflexions culturelles et cultuelles pour lʼIslam, au bénéfice tant des non-musulmans que des musulmans. Un tel dialogue, par définition pluridisciplinaire et international, doit chercher ce qui unit plutôt que ce qui désunit, en incluant volontairement les questions de justice et de cohésion sociale. Une politique dʼaction culturelle et sociale est une priorité pour toute notre planète, et non simplement dans les quartiers ou dans les pays les plus exposés aux sirènes de la radicalisation. Les points clés sont donc ceux de transmission, dʼherméneutique, et dʼattention aux questions sociales. Comme lʼindiquait la déclaration finale des premières rencontres en février 2019, il ne sʼagit de rien moins que de respiritualiser lʼIslam !
“Il est de l’intérêt général que cesse la fixation sur l’Islam et la suspicion envers plus d’un milliard et demi de musulmans. L’Islam est un patrimoine universel.”
Sadek Beloucif est Professeur des Universités – Praticien Hospitalier en Anesthésie-Réanimation
Il a été membre du CCNE / Comité Consultatif National d’Éthique de 1999 à 2007, ancien Président du Comité d’Orientation de l’Agence de la Biomédecine (éthique de l’organisation et la prise en charge des greffes d’organes, recherches sur les cellules souches embryonnaires et éthique de l’assistance médicale à la procréation) – et past président de la Section Ethique de l’European Society of Anesthesiology.
Il est président du Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes, et biologistes des hôpitaux publics (Snam-HP), premier syndicat des praticiens des hôpitaux publics.
Depuis 2017, il préside le Conseil d’Orientation de la Fondation de l’islam de France.